L'appel de l'inconnu. Délivrer son innocence de mystères qui entourent le monde actuel. Les épreuves passées n'avaient pas freinées Tamia dans sa curiosité et, malgré toutes les histoires que l'on entend à propos d'Illuvis, toutes ces légendes urbaines, elles eurent raison de la réticence de Tami. Elle s'était décidée à entrer dans ce projet. Ce, à l'insu de son frère et de sa sœur, dans le seul but de... les étonner ? Non, juste de pouvoir faire la différence. Mais ce qui l'avait convaincue c'était d'avoir croisé ces deux personnes à l'Alouette... ces personnes qui parlaient « d'Illuviens ». Et si il lui arrivait la même chose ? Alors son utilité serait assurée au sein de sa fratrie.

Dans cet espoir infime de devenir quelqu'un qu'elle n'était pas, Tam' s'était inscrite au projet. Appelée à ce jour, la demoiselle se rendit aux laboratoires scientifiques du quartier Ouest. Elle s'attendait à croiser l'agent qui la suivait à chaque coin de rue. Mais probablement avait-il l'expérience d'un pisteur qui chasse sa proie sans se faire voir... En tout cas, cela n'arrêterait pas la demoiselle. En fait, elle était décidée et bien décidée. Après tout, c'était sa vie, à elle d'en disposer suivant ce que la société lui proposait. Illuvis faisait partie intégrante de la société. Les Illuviens, elle n'avait entendu que des légendes. Mais ce que Tamia avec entendu ces jours derniers n'étaient pas des bruits de couloir. Même si elle n'avait pas dit un mot à ce sujet, la serveuse était sûre de ce qu'elle avait entendu. Malgré qu'il n'y ait qu'une chance sur des dizaines pour avoir cette anormalité, Tam' comptait bien l'accepter si cela lui arrivait.

Après avoir donné tous les documents nécessaire pour la finalisation de son dossier, la demoiselle n'avait plus qu'à attendre qu'on vienne la chercher. Elle n'était pas seule. Cinq personnes patientaient avec plus ou moins de tics nerveux. Tamia était posée, calme, confiante. Certes, il y avait des dangers : les scientifiques pouvaient très bien se tromper dans les doses ou bien décider que dans le lot, une personne serait plus cobaye que les autres et tenteraient de nouvelles choses totalement farfelues. Après tout, le risque de mort était là. Les organismes réagissaient différemment. Sur le papier, il était assuré que les doses étaient maîtrisées pour éviter tout risque mais l'opinion publique était persuadée que certains ne sortaient pas des laboratoires. Regardant l'heure d'un œil discret, Tam' patientait. Jusqu'à ce que son nom soit prononcé.

Les premières pensées de Tamia allant pour le projet Illuvis étaient arrivée ce jour d'hiver où, alors qu'elle cherchait son frère, elle était tombée sur un scientifique plutôt... douteux. Le docteur Van Hermann. D'un côté, elle voulait que ce soit lui qui se charge de son dossier : ils en avaient furtivement parlé tout les deux et malgré qu'elle ne lui accorde aucune confiance, au moins, elle le connaissait. D'un autre côté, si c'était un inconnu, peut-être que la vie de Tami serait plus... assurée ? Dans le sens où les scientifiques « normaux » - et ça doit sûrement exister - n'étaient pas des sociopathes en puissance. Mais le sort décida pour elle :

- Tamia Aw... vel...'Din ? Prononça l'infirmière ou secrétaire stagiaire.

Difficile de dire ce qu'elle était. Mais la mine un peu déconcertée par l'écorchement de son nom, Tam' se leva.

- Oui, c'est moi, répondit-elle d'une voix légèrement enrouée par le silence qu'elle avait gardé.
- C'est à vous.

La conduisant à la salle d'opération, elle ouvrit la porte. Dans l'encadrement, Tamia afficha des pas peu sûrs. Une fois à l'intérieur, quelle ne fut pas sa surprise de voir apparaître celui qui l'avait guidée jusqu'aux laboratoires. Un visage stupéfait.

- Bienvenue à toi Tamia ! Prends donc place sur le fauteuil pendant que je t'explique la suite de la procédure, expliqua-t-il avec un certain... professionnalisme ?

Tamia s'avança.

- Bonjour M. Van Hermann, sortit la demoiselle en s'asseyant sur le fauteuil. C'est pas très rassurant tout ça, exprima-t-elle d'un rire nerveux. Je vous écoute.

Les informations qui précédaient l'opération ne semblaient plus avoir aucun rapport avec ce qui allait se dérouler. Inquiète, l'anxiété se lisait sur le visage de Tamia. Même si elle n'en restait pas moins déterminée, la peur n'était pas invaincue.

L'ambiance austère qui régnait dans la pièce ne rassurait pas Tami. Les gens en uniformes, les outils, les appareils, ce fauteuil... A croire que Wethan n'était pas le seul à pouvoir effrayer la « petite » qui néanmoins, gardait tout son sang froid. Même si Van Hermann n'était pas le plus avenant, elle s'efforçait de lui faire confiance. Après tout, il collaborait avec son frère et ce dernier semblait être précieux à ses affaires. Au vu de la dernière fois, l'extermination de Tam' n'était pas encore au programme et donc il n'avait aucun intérêt à lui faire de mal. C'était ce qui lui donnait confiance en ce scientifique qui semblait n'être motivé que par l'intérêt.

- Le secret pour que tout se passe bien, c'est que tu te détendes et nous fasses confiance. Toute une équipe médicale et là pour te veiller, assura-t-il.

Tamia acquiesça avec un sourire nerveux.

- Bien ! Le principe est très simple, déclara le scientifique alors que les petites mains s'affairaient autour de Tamia. Nous allons t'inoculer l'Illuvis en intra-veineuse. Le produit va lentement se diffuser dans ton sang jusqu'à ton cerveau et tes organes. Ensuite... Il te faudra être forte. La création de ton Irréel est un mécanisme très complexe qui mobilise à la fois ton esprit et ton corps, poursuivit l'homme alors que Tami se laissait distraire par les techniques déployées autour d'elle.

Van Hermann prit place à ses côtés.

- Je ne vais pas te mentir : cela va être douloureux, très douloureux. Il y a 20% de chances que tu ne survives pas et 3 fois plus pour que ton Irréel ne tienne pas le choc. Si tu veux arrêter, c'est maintenant.

Le temps se mit en suspend quelques longues secondes. Tamia dévisageait Hermann dans sa concentration. Tout ça, elle le savait, la paperasse que tout le monde signait sans prendre le temps de la lire, elle l'avait lu en long et en large. Elle avait conscience du danger. Cela faisait un an qu'Illuvis, c'était jeune, mais sur des probabilités calculées bien que non-officielles, Tami avait toutes ses chances de ne pas mourir. Ce qui était la priorité pour un cobaye. La réussite de l'Irréel était secondaire.

- Je suis prête, échappa-t-elle avec certitude le regard fixé dans celui du scientifique.

La naïveté de Tamia apportait à cette dernière bien plus que du courage et de l'inconscience face aux dangers auxquels elle faisait face. Mais son tempérament ne se résumait pas à ce visage enfantin et ces petites choses qui la rendaient faible aux yeux des autres. Tamia était tout de même une Fehrnbach à la base ! La petite Lisaly aurait eu bien d'autres ressemblances avec sa fratrie si elle n'avait pas été coupée d'eux. Elle en a toujours voulu à ses parents de l'avoir abandonnée. Délaissée par ceux qui auraient du l'aimer le plus au monde sur cette Terre, ça faisait mal. Une douleur qui, inconsciemment, lui permettait d'affronter toutes les autres. Oh elle ne regrettait pas d'avoir vécu avec sa famille adoptive. Mais cela avait un prix qu'elle payait cher aujourd'hui : devoir reconquérir ceux dont elle partageait le sang. C'était dur et long, mais Tam' ne perdait pas espoir. C'était ce qui l'avait conduite ici. Ce qui lui empêchait de s'enfuir en courant en hurlant sa couardise. Car elle n'était pas lâche, mais il faut dire qu'avec toutes les histoires qui animaient les couloirs, il fallait avoir un grain ou un véritable tempérament de don de soi pour participer à ce programme. Enfin, chacun avait ses raisons pour s'asseoir sur ce fauteuil et Hermann avait rapidement compris quelles étaient celles de Tamia.

- Fort bien ! Avec cet enthousiasme, le succès est obligatoire n'est-ce pas ? Assura le scientifique, détournant l'attention de Tami qui ne put s'empêcher un léger grincement de douleur lors de la piqûre.

Concentrée sur Van Hermann, elle cherchait - sans vraiment vouloir de résultats - ce qu'il calculait comme pour occuper son esprit.

- Bien ! Nous allons commencer ! Mais attendez, où sont passées les électrodes ? Pesta le scientifique.

Pas très rassurant, mais alors de moins en moins rassurant. Tamia s'appliquait à garder un rythme respiratoire constant. De longues inspirations pour ne pas perdre son sang froid. Elle était inquiète, mais après tout, c'était une réaction normale, non ?

- Enfin nous sommes prêts, lâcha-t-il. Tamia, je vais te demander de fermer les yeux et de te concentrer sur ton corps et ta respiration. Tu vas compter jusqu'à 50. À 50, le produit arrivera à ton cerveau. À ce moment, tu devras impérativement de concentrer uniquement sur ton Irréel. Même si tu sens que ton cœur lâche, tu ne devras te focaliser que sur cela. Nous sommes là et nous savons ce que nous faisons, expliqua l'homme.

Ouais, ils savaient ce qu'ils faisaient... Même si elle n'était pas persuadée du professionnalisme de toute l'équipe, Tam' faisait paradoxalement entièrement confiance en Hermann. Acquiesçant d'un hochement de la tête, elle garda en tête toutes ces indications pendant que le fauteuil changeait sa position.

- 26 g/L d'Illuvis, 16µg de méthylisopropanole et 5µg de Ritaline, énonça le scientifique. Tu peux commencer à compter... indiqua-t-il à Tamia.

La demoiselle ferma les yeux, respirant calmement, comptant à voix haute...

- Un, deux, trois, quatre, cinq, [...], quarante-six, quarante-sept, quarante-huit, quarante...

Elle ne parvenait plus à articuler. Bientôt, des flashs étranges occupèrent son cerveau et, dans la surprise, son poul s'emballait. Son cœur était comme transpercé par mille aiguilles. Quelques secondes ainsi et elle vit le visage de son frère, Wethan. Se concentrant dessus, elle parvint à calmer son état qui fut en parti stabilisé par l'équipe médicale qui se trouvait autour d'elle. L'image de Wethan s'estompa pour laisser place à une toute autre image. Bien que des marques comme les pigmentations restèrent celles de son frère, elle imaginait une toute autre personne. Féminine mais tout aussi protectrice, vaillante et courageuse, déterminée et droite, une sorte de grande sœur reprenant quelques défauts que présentaient son frère mais qui aurait peut-être le mérite de montrer à Tamia qu'elle ne serait plus jamais seule...

Tamia perdait toute notion de réel. S'envolant dans des pensées dignes d'une vision sous psychotropes, elle ne réalisait pas la douleur, la vitesse, les agitations autour d'elle. Tout semblait se déconnecter et faire face à un autre monde. Un monde qui, dans un électrochoc, devint l'espace d'un instant rouge et violent : le sang inerte, le froid et la peur. Mais cela ne dura qu'une seconde avant que Tam' ne revienne à elle.

- Tamia, tu m'entends ?

La demoiselle eut du mal à ouvrir ses yeux. Lorsqu'elle y parvint, elle voyait le visage de Van Hermann. Tentant de bouger, sa tête se mit à tourner ce qui l'empêcha de se mouvoir.

- J-j'ai réussi ? Demanda la patiente encore troublée. O-où est mon Irréel ?

Ses yeux parcouraient lentement la salle, à la recherche de sa création. Elle l'avait vue, elle était là, elle devrait être là, à côté d'elle. Tamia était anxieuse. Et si elle l'avait raté ? Si elle avait du être éliminée ? Ces pensées n'amélioraient pas le réveil de Tami...

L'attente... l'ignorance... Tamia fut rapidement éprise d'une panique que Van Hermann résorba.

- Tout doux, respires calmement, dit-il en la calmant. Ton Irréelle va très bien. Elle est dans la salle à côté. Nous lui faisons les tests de routine. Pour l'instant ils sont concluant, tout porte à croire que tu l'as magnifiquement bien formée, expliqua l'homme, me faisant décrocher un sourire rassuré. Si tu es capable de te lever, je t'emmène la voir dans 10 minutes. Je te conseille de réfléchir à un prénom en attendant.

Elle acquiesça d'une signe de tête. Tam' se sentait encore un peu engourdie. Cette sensation s'estompait petit à petit et elle fut apte à tenir sur ses deux gambettes. C'est vrai qu'on ne parierait pas une seconde sur sa petite tête blonde dans un combat de boxe mais cela ne voulait pas dire qu'elle était sans ressources. Tami avait grandi dans la campagne, ce n'était pas un sucre malgré son allure de fille perdue - ce qu'elle était un peu certes^^. Après une dizaine de minutes, Van Hermann vint la chercher pour lui faire rencontrer son Irréelle. Tamia était fin prête et déterminée ! Il l'accompagna dans la salle où sa création se trouvait. Lorsqu'elle vit celle-ci, son souffle se coupa.

- Tam', tu passeras me voir quand tu auras fini.

Faisant fi de cette information, Tami s'approcha de la jeune femme dressée devant elle. Posant sa main sur la joue de l'Irréelle, un sourire se dessina comme la providence sur tout un peuple libéré.

- Effy Winkel...

- C'est... le nom que vous lui donnez ?

Elle affirma d'un léger signe de tête alors que cette créature la fixait comme elle la fixait de ses yeux bleutés. Posant sa deuxième main sur l'autre joue de son Irréelle, Tam' approcha son visage du sien et déposa sur ses lèvres un baisé tendre.

- Tu es encore plus belle que je ne le pensais, dit-elle en se reculant. Monsieur Van...

Tamia fronça les sourcils. Elle alla le quérir pour savoir la suite des événements.

- Monsieur je... enfin... ensuite ? Dit-elle en échappant un rire rêveur.

Toute déboussolée et enthousiaste à l'idée d'avoir son Irréelle, Tamia était comme une gosse qui venait de déballer son cadeau de noël. Elle n'avait jamais été de ces gosses qui avaient mille et un jouets, sa famille adoptive n'était pas plus riche que ses vrais parents, mais elle avait toujours un au moins un petit quelque chose. Depuis qu'elle était à Edernys, ses seuls cadeaux étaient la nourriture tous les jours dans son assiette et quelques sourires échangés lors d'innocentes rencontre. Se retrouver avec cette Irréelle était quelque chose de bien plus grand et audacieux !

- Et bien c'est simple, on va te l'arracher des mains, faire plein d'expériences plus ou moins légales dessus et la faire disparaître ensuite.

Toute la joie de Tami s'évapora. Sur le coup, on aurait dit qu'elle avait une attaque, c'était assez comique ! Mais pas pour elle. Pas DU TOUT. Le regard noir et la mine soudain désespérée, elle eut du mal à le croire quand Van Hermann se mit à rire. Dommage qu'il ait cassé son jeu si rapidement, on aurait peut-être assisté à la première grosse baffe de Tamia sur un homme faisant presque deux fois sa taille et trois fois son poids. Cela n'aurait pas manqué de cachet pour la demoiselle mais on aurait ainsi cassé le mythe de Michaelys alors pas taper pas taper. Cela dit, elle n'en rigola pas pour autant.

- Bien sûr que je plaisante haha ! Non, non, on va juste voir ensemble si tu peux la prendre en charge.

Pas un mot. Elle était vexée, oooh oui ! Il devait s'en tamponner les oreilles avec des babouches puisqu'il continua néanmoins :

- Je vois que tu as un appartement. Est-il assez grand pour vous deux ? Sinon, nous pouvons l'héberger dans nos locaux. C'est le cas pour certains Irréels, proposa le scientifique pour se montrer arrangeant.

- L'appartement est largement assez grand pour deux. Je vous aurais bien proposé d'aller y faire un tour mais je risquerais de céder à la tentation de vous disséquer quand on passera à la cuisine, ne put s'empêcher de lâcher la demoiselle.

Tamia posa ses deux mains sur la bouche, les yeux écarquillés de surprise à l'idée qu'elle venait de dire à voix haute ce qu'elle pensait.

- J... j'ai un salaire convenable et ... euh.. des horaires flexibles... je... euh... connais bien mon quartier et... j'avais un chat dont je m'occupais quand j'habitais à Alrun... poursuivit Tamia avec un léger sourire en pensant que cela passerait un voile sur ce qu'elle venait de dire.