J'aimais faire beaucoup de choses dans ma vie. Me bourrer la gueule en squattant le terrain d'un gymnase en faisait partie. Comment fait-on cela ? Prenez deux trois « potes » que vous aurez chopé à la volée dans les rues et achetez quelques binouzes. Après quoi, attendez la proposition la plus idiote pour s'occuper : un basket. Super. Où ? Le quartier avait l'un des plus grands complexes sportifs de tout Edernys. Après avoir fait raquer le fils à papa du groupe, entrez et allez, c'est parti ! Bon, on n'était pas tous trop cons alors on s'étaient calés dans un terrain extérieur un peu reculé. Le plus pourri à vrai dire. Mais le plus pourri était quand même très bien entretenu. On pourrait être virés pour détention d'alcool dans ce lieu, mais que voulez-vous ? On est jeunes et fous ! Commença alors deux trois passes de balles autour d'un panier. Deux trois lampées des bières toutes neuves – qui, aujourd'hui, passaient après des bouteilles un peu plus conséquentes x) – Oh Monty... si tu savais ce qu'on faisait à cet instant... tu m'aurais probablement tirée par les cheveux jusqu'à la sortie ! Et dire que je t'ai promis que je me bougerais pour retrouver un taf... Mais après tout, ce n'était pas vraiment de ma faute si je me retrouvais ici, oui ! Ces gens m'ont entraînée !

M'ont entraînée.... ça ne sonnait pas. J'étais la première à bouger les troupes, des personnes qui ne se connaissent pas ne peuvent tout simplement pas éviter de se lier, ne serait-ce que le temps d'une journée. Comme quoi j'avais certains dons en social ! Héhé ! Mais comme tout autre don que je pourrais avoir, j'étais incapable de les mettre au service d'une bonne cause. Enfin, rien de « conventionnel » ou de « bénéfique » financièrement parlant. Une grande enfant incapable, oui, c'étaient les mots de mes parents. Ce devaient d'ailleurs être les plus beaux... Enfin, j'étais toujours vivante : preuve que je savais quand même me débrouiller !

Alors que nous jouions et que certains commençaient à voir trouble, je vis une personne s'approcher de nos sacs posés sur un pan d'herbe synthétique. Je fis abstraction du ballon pour me diriger vers cette personne pour savoir qui c'était.

- Yo ! Saluais-je sans grâce aucune.

Je n'étais pas une fille très distinguée Monty, tu le sais. Mon manque de classe traduisait souvent ma nonchalance et mon « je m'en foutisme ». Cela pouvait déranger le citoyen moyen, mais certains pouvaient faire abstraction de tout ça pour partager mes délires. En tout cas, cette femme qui s'était approchée ne m'inspirait aucune confiance. Toutefois, je traînais avec beaucoup de zonars à qui je ne confierais pas même mon casse-dalle !

Une jeune femme se dressait là devant moi avec un air tout à fait banal. Elle cherchait plus à savoir qui déranger la plénitude des lieux qu'autre chose. Sa peau luisait timidement sous le soleil d'Edernys. Elle n'était probablement pas là pour coller des gomettes ! Et c'était après un retour de salutations très nobles et distinguées qu'elle me demanda :

- J’peux m’joindre à vous ? À moins que vous n’ayez peur de perdre ?

Sa voix avait quelque chose de mesquin. Un air que j'apprécie. Tu sais Monty, j'aime quand les autres jouent avec moi ; c'est un accord pour que je joue avec eux en quelque sorte ! Et perdre ou gagner au basket n'était pas vraiment ma raison d'être. J'inclinai la tête sur la gauche avec une mimique faciale amical.

- Le vrai jeu c'est pas l'basket, dis-je en attrapant d'un sac une canette d'orge bien noble aussi teh ! Je la lui lançai tout en reprenant : enfin... je t'oblige à rien, hein !

Un clin d'oeil avant d'en sortir une pour moi. Sans plus de cérémonie, j'avalai quelques grosses gorgées avant de me reporter sur l'inconnue.

- Moi c'est Nat', me présentais-je brièvement avant de regagner le terrain à petites foulées.

C'est que, j'avais beau rien faire de ma vie et rendre tout ce qui se déroule autour de moi catastrophique, j'aimais me dépenser. Enfin... Parfois... C'est vrai que je lézardais toujours jusqu'à pas d'heure le matin, n'est-ce pas Monty, mais bon une fois dehors, ça me faisait du bien !

L'alcool faisait des miracles ! Ou des drames. Cela dépendait toujours de contre qui on se battait. J'avais toujours gagné, sauf une fois : Roxane Verlet. Mais il faut savoir s'allier avec ceux qui peuvent nous être supérieurs, ça aide à beaucoup de choses ! Même si paradoxalement j'étais plus celle qui lui sauvait le cul. Mais c'était de bon cœur. Rare venant de moi hein, Monty ? Mais que tu le crois ou pas, elle a besoin de moi et me le rend bien. C'est rare que j'ai de vrais amis mais pour le coup, je pouvais me considérée amie avec Roxy. Enfin, c'était une belle histoire qui a commencé par une cuite ! Elle pris la bière et en bu une gorgée après m'avoir remerciée.

-Moi c’est Liwen et je joue toujours pour gagner, Lança-t-elle en prenant le ballon et commençant à dibbler.

Je la considérai un instant de mes yeux verts avant de la voir marquer. Un sourire en coin avant de réceptionner une passe faite par Jeff le blond.

-Vous zonez depuis longtemps ici ?
- Début d'aprèm, répondis-je en marquant un trois points - plus par chance que par technique.

Comme quoi les cours de sport pouvaient servir dans la vie ! Nooon, même en sport j'étais une grosse bille à l'école. Tu comprends pourquoi les études ça s'est vite terminé pour moi Monty ?

- Et toi, tu t'entraînais ? Demandais-je après supposition que si elle était en tenue de sport que c'était pas pour rien !

On avait tous plus ou moins des activités illicites. Un gouvernement aussi protectionniste ne pouvait pas retenir les lubies de certains. Moi-même j'avais souvent mis les pieds dans des affaires de vandalisme et de drogue. Mais le plus illicite dans toutes mes activités, c'était probablement la garde d'Irréels clandestins qui pourrait me coûter le plus cher. Cela pourrait même me coûter ta vie, Monty...

-J’ai, disons… un travail qui demande une bonne condition physique. Alors j’m’entraîne souvent.

Je plissai les yeux comme certains la regardaient perplexes du coin de l’œil. Une bonne condition physique hein ? Elle n'avait pas l'air d'être un militaire mais bon, on n'était jamais trop prudent.

-Et toi ? Qu’est-ce tu fous dans la vie ? Rétorqua la jeune femme avant de faire une action.
- Ah... j'enchaîne les taf par-ci par-là, rien de bien concret. Gamine j'ai pas eu des parents qui cautionnaient mon désir de d'venir dessinatrice, répondis-je à demi sourire.

Le dessin pouvait me rapporter beaucoup. Si mes planches passaient dans un bureau de journalisme, j'étais persuadée que je ne courrais plus après les boulots. Qu'en dis-tu Monty ?

Inapte à la normalisation, c'était le mot. Certes, des peintres perçaient, mais en cette époque de surveillance et de sur-protection, les rues étaient sujettes à certaines censures que le Conseil ne pouvait pas laisser passer. Compréhensible me dirais-tu Monty, s'il on remet le contexte en place : des évolutions technologiques constantes qui modifient le métabolisme même de la société, ce n'était pas une période où les dérapages pouvaient être tolérés. D'autant plus qu'Edernys avait beau être une grande et vaste ville, si l'ordre n'existait pas, l'anarchie ruinerait tous les efforts faits par les dirigeants afin de nous assurer confort et égalité. Mais qu'en avais-je à foutre sérieusement ?

- Mais c’est trop cool ! S'exclama la jeune femme. Moi aussi j’suis une artiste tu sais ? J’fais plus dans la peinture, m’enfin, on est pareilles toi et moi. Ça te dis qu’on s’fasse une bouffe un de ces quatre ? Tu me montreras tes planches, proposa-t-elle avec spontanéité.

Je ne m'attendais pas à tant de compréhension mais de suite, Liwen se révélait bien plus avenante et intéressante à mes yeux. Positivement étonnée par cette découverte, je ne participais pas très activement à la partie contrairement à mes compagnons d'infortune qui eux ne s'intéressaient pas à la discussion.

- Oula, c'est une surprise ! Mais ouais, y a moyen ! C'est pas tous les jours qu'on peut croiser un peintre, affirmai-je en souriant.

Dribblant sur notre cher Billy, je lui subtilisai le ballon avant de faire une passe à Liwen.

- Un effort les mecs ! M'dites pas qu'vous allez vous laisser battre par cette fille ! Leur criais-je pour les remuer un peu.

Cette femme m'étonnait. Ce n'était pas tout le jours que ça arrivait ça, Monty. Que quelqu'un m'intéresse. Mon cercle d'amis en témoignait... Toi, Roxane... Ouais, autant dire que j'étais pas la plus entourée. Mais je parvenais néanmoins à ne pas être seule. Un talent ou un échappatoire ? Dans tous les cas, j'avais la preuve que certaines personnes pouvaient partager quelques points communs avec moi et aussi futile que cela puisse paraître, ça m'rassurait quelque part.

- Cool tes potes, témoigna Liwen dés lors qu'ils furent partis. Bien qu'un peu faiblards, s'esclaffa-t-elle.
- Hmm il ne faut jamais blesser la fierté des « gentlemen », répondis-je avec ironie.

Alors que s'arrêtait aussi pour siroter le Saint Orge, Liwen me tendit sa carte.

- Tiens mon tel. Tu m'phone et on voit quand on s'la fait c'te bouffe !

Elle décrocha un sourire de mes yeux émeraudes. Sans finesse mais lui accordant ma parole. Même si nos arts appartenaient à deux disciplines différentes, cela ne les empêchaient pas de se rejoindre !